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Danses Libres

 

 

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ARTICLES PARUS DANS LA PRESSE

 LIBERATION 14 JUIN 2010

La danse archéologue

Festival . Malkovsky revisité à Uzés Danse.le 12 juin 2010

Par MARIE-CHRISTINE VERNAY envoyée spéciale à Uzé

Pour sa 15e édition, le festival Uzés Danse, dirigé de main délicate par Liliane Schaus, aussi responsable du Centre de développement chorégraphique, remet ses pendules à l'heure. En invitant la "danse libre", en replaçant les spectacles au coeur de la cité, en invitant la parole poétique, la manifestation revient aux fondamentaux : la danse in situ. Modeste mais ambitieux par ses objectifs artistiques et sociaux, le festival a du charme, celui d'une danse actuelle qui se lit (lie) sur un mur médiéval. Samedi, le spectacle d'ouverture, Danses libres, de Cécilia Bengoléa et François Chaignaud, est révélateur de l'esprit patrimonialement rebelle de l'art chorégraphique. En remontant de courtes piéces des années 20 aux noms évocateurs - J'ai cueilli ta fleur, Petit Berger, les Trois Petites Filles, Danse avec voile -, les chorégraphes remettent au goût du jour - et surtout de la nuit, dans le jardin de l'Evéché - le travail de François Malkovsky. Né en Tchécoslovaquie en 1889, le chorégraphe chercheur, grand défenseur d'Isadora Duncan, s'inspira des mouvements des animaux et de la nature pour atteindre son idéal de liberté. Aujourd'hui, on ne pourrait qu'en rire, ce qui fait d'ailleurs du bien, mais la présence sur scéne de Suzanne Bodak, qui suivit l'enseignement de Malkovsky survolte l'atmosphére car elle ne danse décidément pas comme les jeunes interprétes qui l'ont invitée. Légére, sans intention, elle se balade, elle proméne son idéal de danse sans contrainte bien que tout soit parfaitement écrit jusqu'à la position de base. C'est un ravissement. Et que ce festival soit le réceptacle et le diffuseur d'une telle aventure intergénérationnelle en dit long sur la volonté d'une certaine danse de ne pas se plier aux seules lois du marché. Le patrimoine l'y aide.

Voir les photos des danseurs par Laurent Pailler

MIDI LIBRE

Uzés danse. Décryptage du passé et incursion en Méditerranée

12 juin 2010

 

Il faut lui rendre justice: la 15e édition du festival Uzés Danse, pour exigeante qu'elle soit, creuse activement le sillon de la création contemporaine. Pas facile d'occuper cette place, à quelques jours du trés médiatique Montpellier Danse. Aussi, sous l'intitulé trés plasticien de "in situ" (expression réservé aux actions d'artistes dans l'espace public), Eliane Shaus, sa directrice, insuffle l'idée de parler d'intime en lien avec le patrimoine, vivant et historique.
Dés l'ouverture samedi dernier, Confidences en donne une vision légére. Il s'agit de parcourir la ville en cinq lieux et d'y assister à un solo qui en exprime le suc. Dans sa lourde et belle robe corsetée, Laurence Saboye évoque des ransports pudiques dans la cour d'un hôtel particulier. En coin de rue, Laurent Pichaud embarque le spectateur dans une aventure àla Tati, versatile, attentive et humoristique. Les confidences font le grand écart, mais amènent aussi à percevoir la ténacité de chorégraphes installés en région.

Dans le Jardin de l'Evéché le soir même, Cécilia Bengolea et François Chaignaud offrent des Danses libres.Têtes de pont d'une génération montante en danse contemporaine les deux chorégraphes, invités aussi àMontpellier, jouent les archéologues. Ils remontent des piéces de l'entre-deux-guerres de François Malkovsky en compagnie de Suzanne Bodak qui a suivi son enseignement. Jugées désuétes par beaucoup, elles exposent pourtant comment se vivait une danse naturelle et expressive, à l'ombre d'Isadora Duncan, avant l'hécatombe de 39-45. Naîf, frivole, infantile, romantique, le danseur ressemble à un papillon fragile.

Mais tel est le véritable passé européen, avant le raz de marée de la pensée américaine. De quoi construire du neuf, donc en décryptant le passé.

Lise Ott

Les Trois Coups   

Dimanche 14 mars 2010

Danses libres : chorégraphies de François Malkovsky (1889-1982), création, Le Quartz àBrest

Danse libre : ludique et enjouée

Danses libres est un spectacle à voir sous l'angle double de la représentation et de la démarche de conservation historique. La danse libre est en effet un concept inventé dans les années 1920 par François Malkovsky, et qui s'oppose aux contraintes de la danse classique et de ses codes d'entrave du corps. En ressort une esthétique en lien avec les éléments, la nature, la jeunesse, et qui souligne la joie et l'expressivité corporelle. La rencontre de Malkovsky avec la danseuse Isadora Duncan avait contribué à cette recherche du geste libre, déjà influencée par l'analyse des mouvements instinctifs des animaux.

Ce style, composé de formes chorales et nécessitant d' être transmis par un initié, est à l'origine de la danse moderne. Il était ici revisité de la maniére la plus fidéle qui soit par quelques jeunes interprétes qui se sont formés pour l'occasion auprés de Suzanne Bodak, une héritiére de ce courant. Parmi eux, François Chaignaud et Cecilia Bengolea, artistes associés au Quartz et trés présents dans les différentes créations présentées aux Antipodes. Par ces expérimentations, ils poursuivent leurs recherches de ce que peut être un corps dansant tout en redonnant de la visibilité à un courant esthétique trés peu exploité dans les uvres actuelles.

En danse libre, la justesse du mouvement se ressent par le bien- être qu'il procure. Et ce bien-être est ici totalement partagé par le public, qui assiste à une chorégraphie ludique, trés communicative dans sa simplicité et sa vocation de retour au naturel. Ce récital d'une quinzaine de piéces, qui furent créées entre 1922 et 1948, posséde un charme kitsch insoupçonné, rehaussé par la fidélité aux costumes d'origine : des tuniques de fausse inspiration antique. Au son de Beethoven, Chopin, Schubert ou Brahms, les différents danseurs se sont donc succédé avec brio, gardant telle quelle la naÔveté des mouvements, leur coloration désuéte mais pleine d'énergie.

Il aurait été dommage de chercher à - moderniser - ces gestes, si particuliers et tombés dans un quasi-oubli, alors qu'ils s'inscrivent logiquement dans l'histoire de la danse contemporaine. Et il aurait été dommage de se priver, en tant que spectateur, d'un moment aussi réjouissant dans son évocation du corps exultant. Une prestation extrêmement épurée, se consacrant uniquement au mouvement sans se préoccuper d'éclairages ou de scénographie, mais une prestation réussie dont on ressort unanimement enjoué.

Aurore Krol

Les Trois Coups    www.lestroiscoups.com

Danses libres, chorégraphies de François Malkovsky (1889-1982), création Avec : Cécilia Bengolea, Suzanne Bodak, François Chaignaud, Lénio Kakléa, Mickaêl Phelippeau

Transmission : Suzanne Bodak Piano : Alexandre Bodak

Avec l'aide de l'équipe technique du Quartz

Production déléguée : Cie Vlovajob pro

Coproduction : Le Quartz, scène nationale de Brest, la Ménagerie de Verre àParis, AMM Musique, Mouvement, CNDC Angers, Théâtre de Vanves, Festival Artdanthé, Festival Uzés danse

OUEST FRANCE 15 mars

Danses Libres, le cadeau de Malkovsky

Suzanne et Alexandre Bodak ont transmis à Cecilia Bengolea et François Chaignaud le répertoire du chorégraphe méconnu.

"Quand Cecilia Bengolea et François Chaignaud m'ont rencontrée pour me faire part de leur intérêt envers le répertoire de François Malkovsky, j'ai pensé : c'est un miracle ! Ils m'ont fait le plus beau cadeau de ma vie! "

Pendant des années, Suzanne Bodak a oeuvré, dans l'ombre, à la transmission des chorégraphies de Malkovsky (1889-1982). Un répertoire composé de danses trés bréves, sur tout des soli ou des duos, liées à - un théme ou une expression (La Mer,Jeunesse, Phanson matinale) et accompagnées au piano, sur des musiques de Chopin, Schubert, Debussy, Brahms, Dvorak...

Une danse d'utopie

Institutrice, Suzanne Bodak a travaillé quotidiennement pendant cinq ans avec Malkovsky. Son époux, Alexandre Bodak, médecin, fut aussi le pianiste de Malkovsky pendant plus de vingt ans. Leur connaissance et leur analyse de la danse libre les ont conduits aux Antipodes.

Au studio de danse, lieu idéal et dépouillé, la présentation du répertoire de Malkovsy, qui prit parti pour la grande danseuse libre Isadora Duncan, fut, pour le public, une expérience intense et émouvante. ~~ C'est une danse d'utopie, qui fait du bien aux gens, ~ résumait Suzanne Bodak.

"La plus grande élégance est la plus grande simplicité", disait Malkovsky.

Sur scène, l'apparition de son éléve Suzanne Bodak, magistrale et idéale, donnait corps aux propos du maître. Au piano, Alexandre Bodak épousait parfaitement les élans des danseurs.

Évolutîon organique

Ravissante Danse avec voile, interprétée gracieusement par le jeune danseur Mickaël Phelippeau. Expressive Lénio Kakléa, jeune danseuse grecque, qui rejoignait, dans cette recherche du "sens des gestes ", Cecilia et François, dont elle était l'interpréte dans Sylphides.

Avec cette deuxiéme création, si réussie, Cécilia Bengolea et François Chaignaud ont une nouvelle fois montré leur capacité "à se jeter dans l'inconnu".

Du mémorable Pâquerette, oô ils s'interrogeaient sur leur idéal sexuel, à Danses Libres, oô leurs corps contemporains ´ idéalisent un mouvement naturel et sans entrave , les deux artistes associés du Quartz semblent faire le grand écart.

"Certes, nous ne voulons pas être catalogués ni reproduire les mêmes formules et les mêmes recettes, souligne Cécilia Bengolea. Mais de création en création, se dégage cependant une suite logique. Celle de notre évolution organique.

Frédérique GUIZIOU.

Pour "Danses Libres", création Antipodes 2010, les deux artistes associés au Quartz,

Cecilia Bengolea et François Chaignaud ont découvert "grisés" le répertoire de François Malkovsky, basé sur le rythme universel du balancier.

 

LE COURRIER DE L'OUEST 29 septembre

La ville en parle.

« Figures libres » au CNDC… haut les corps !

Déjà auteurs d'un « Sylphides » étrange et bluffant, Cecilia Bengolea et François Chaignaud présentaient « Figures libres », se réappropriant par leur corps d'aujourd'hui des mouvements pensés pendant l'entre-deux-guerres par François Malkovsky. Une prise de corps rendue possible grâce à Suzanne Bodak, élève du créateur, et de son mari pianiste de Malkovsky de 1958 à 1981.

Premières impressions : une danses naïve, enfantine, désuète et aux frontières du risible. Les suivantes sont toutes autres : ce mouvement perpétuel, mu par le désir de toujours élever le corps, de l'affranchir de la pesanteur, de le transporter dans un cercle aérien nourri d'une joie en quête de cosmos, a quelque chose d'essentiel, de pénétrant. C'est pourtant un paradoxe qui nous laisse adhérer à ce projet : la liberté des figures nécessite une technique gestuelle très contraignante, et c'est ce code qui détermine la manière de danser.
Cecilia Bengolea et François Chaignaud font ici acte de création et de sauvegarde, laissant éclore au centre de leur nature recomposée une Suzanne Bodak à la grâce et à la beauté non fanées. Étrange et enivrant.

Le Courrier de l'Ouest septembre 2010
Lelian

 

Vous avez dit « libres » ?

Gérard Mayen

Le mouvement des Danses libres s'est épanoui à l'aube du XXe siècle, rattaché à l'immense figure pionnière d'Isadora Duncan. Mais le programme montré aujourd'hui est composé d'un choix de courtes chorégraphies de François Malkovsky. S'il pût voir Duncan sur scène en 1912, s'il s'exclama qu'  « elle [lui] avait montré ce qu'il fallait chercher », Malkovsky développa ses propres conceptions, d'abord en soliste sur scène jusqu'à l'après-guerre, puis dans son enseignement jusqu'à sa disparition en 1982, à l'âge de 93 ans.

Une vie entière de recherches et de transmission : voilà qui indique qu'ici une liberté se construit, en rien synonyme d'un « n'importe quoi » débridé. La liberté est attitude, concrétisée en démarche, écriture et technique. Il y a, dans cette affaire, une pensée du corps, qui vit la modernité d'alors adhérer à l'idée d'un « mouvement humain naturel » (aujourd'hui certes discutable). Soit une quête, à même la logique du fonctionnement corporel, d'un idéal d'harmonie entre corps et esprit, mais encore avec la nature.

L'observation des mouvements et rythmes de cette dernière (vagues sur la mer, ondulations végétales), ou l'étude appuyée des déplacements animaux, sinon de dynamiques humaines fondatrices &endash; à commencer par la marche &endash; ou usages manuels de métiers, charpentent l'élaboration de Malkovsky. Observons ses danses : leur vocabulaire est économe. Mais leur approche techniquement fine. Cette dimension technique relève d'un imaginaire philosophique.

C'est cet imaginaire &endash; forcément singulier &endash; qui tend le regard du danseur. C'est ce regard qui anticipe l'ouverture du haut du buste dans une respiration ample et aérienne. Cette ouverture anticipe un coulé des bras respirant jusqu'aux extrémités. Également, plus bas, l'entraînement du bassin en déséquilibre. Lequel anticipe enfin le pas. Le rapport au poids est donc très modulé, et le « laisser-faire » recherché a souvent l'accent d'une suspension, indéfiniment rejoué dans une reprise ne souffrant guère d'interruption. L'avancée de l'épaule d'un côté, répond au reculé du bassin sur le côté opposé. Et cette danse tient ainsi d'une marche, ponctuée de voltes-faces, tendant vers la spirale de tourbillons. Une ivresse légère découle de ce ressac.

C'est un miracle que de pouvoir revivre ces pas aujourd'hui. On le doit à Suzanne Bodak, qui, septuagénaire, les danse encore sur scène. Elle-même élève de Malkovsky, elle a consacré quatre décennies à l'analyse et la transmission de ce segment du patrimoine de la danse. Un second miracle veut qu'aujourd'hui de jeunes interprètes s'y intéressent à leur tour. Ils brisent alors une idée reçue, qui ferait de l'histoire l'apanage des seuls ballets de répertoire, quand les jeunes créateurs se consumeraient dans la fascination &endash; l'illusion en fait &endash; de la pure nouveauté.

Or ces derniers se montrent immensément curieux de questionner l'héritage, en voulant, comme François Chaignaud, « repenser totalement la question de l'intention qui habite un geste de danse, de sorte que se réinvente le lien entre un état de soi et la forme chorégraphique qui sera produite ». On reconnaît là une conception fort actuelle de l'interprétation, conçue en mouvement d'émancipation maîtrisée. Nul ne sera surpris que ces jeunes gens soient bien connus à Angers, qu'on y ait montré d'autres spectacles qu'ils ont signés, qu'ils y aient interprété des pièces d'Emmanuelle Huynh, ou aient été accueillis en résidence de création au CNDC.

 

Danses libres et mémoire vive

Le Monde 30 novembre 2010

 

Qui est François Malkovsky ?(1889-1982) ?

Un danseur, illustre inconnu au bataillon des répertoires, que les chorégraphes Cecilia Bengolea et Francois Chaignaud ont entrepris de ressusciter à travers le spectacle Hydra, programmé les 3o novembre et 1er décembre, à la Ménagerie de verre, à Paris (11e).

Ce récital est composé d'une vingtaine de solos et de duos, d'une durée d'une à cinq minutes, interprétés dans les années 1920-1930 par Malkovsky à la Comédie des Champs Elysées, à Paris.

Il y a trois ans, sur les conseils d'une amie, Cecilia Bengolea et Francois Chaignaud débarquent dans le studio de Suzanne Bodak, 72 ans, élève de Malkovsky, qui donne un week-end par mois des ateliers à des femmes âgées de 6o à 8o ans. « On nous avait dit que ses danses faisaient du bien et, lorsque nous les avons découvertes, nous avons eu immédiatement envie de les apprendre, raconte Cecilia Bengolea.. Elles sont très agréables pour le plexus, entre autres, car elles mobilisent tout le corps dans un mouvement continu, ce qui est l'opposé du corps contemporain fragmenté. »

Pendant deux ans, le duo de chorégraphes suit l'enseignement de Suzanne Bodak et découvre ces « danses libres », influencées par Isadora Duncan (1877-1927). « Malkovsky ne chorégraphie aucun sentiment négatif comme la rage, la folie, mais que des émotions nobles autour de l'amour, de l'amitié, de la beauté, poursuit Cecilia Bengolea. Sa gestuelle est portée par un désir de faire corps avec la nature, le vent, les arbres, la mer. Une forme d'utopie romantique autour de l'homme et du cosmos mène son travail »

 

Elan généreux

Le principe-clé du danseur réside dans la force première du regard: c'est lui qui conduit le mouvement, lui donne l'inpulsion, relayé par le torse. Cet élan généreux fait circuler l'énergie dans tout le corps à travers un mouvement organique, jouant du ressac en douceur. C'est en slip ou en string (comme Malkovsky), torse nu, le corps entièrement peint et orné de rubans que Cecilia Bengolea et Francois Chaignaud danseront Hydra, sur des musiques de Frédéric Chopin et Franz Schubert, interprétées au piano en direct par Alexandre Bodak, mari de Suzanne. Histoires de danse en famille.

Rosita Boisseau

 

François Chaignaud & Cecilia Bengolea, Hydra

mercredi 1er décembre 2010,

par Nicolas Villodre

Dans le cadre de la manifestation de la Ménagerie de verre, Inaccoutumés 2010, tout le gotha de la danse contemporaine française ou presque a assisté aux représentations d'Hydra, deux soirées de gala rendant hommage &endash; mais pas seulement &endash; au chorégraphe François Malkovsky, disparu en 1982.

Le titre de la pièce se réfère à l'île paradisiaque (= sorte d'Ibiza ou de Capri en mieux, en totalement sauvegardée, absolument écologique, autrement dit : sans aucune bagnole) du golfe saronique, située à quelques miles marins seulement du Pirée, que nous eûmes la chance d'atteindre en hydrojet et de visiter il y a de cela une quinzaine d'années. Par là même, les auteurs, François Chaignaud et Cecilia Bengolea, font allusion à l'hellénité, fondement du projet isadorien, dans la version qu'en donne Malkovsky. Une danse à la fois résolument moderne et à l'écart des modes.

L'art de Malkovsky, comme celui d'Isadora, qu'on a à juste titre appelé « danse libre », a été transmis aux jeunes chorégraphes par Suzanne Bodak qui, avec son association Mouvement Musique (1), maintient vive cette ligne esthétique singulière.

Le paradoxe est apparent de voir les auteurs les plus contemporains se pencher sur le passé de ces Isadoriens et Isadoriennes qui ont su préserver le répertoire de Duncan précisément en le dansant ou en l'enseignant à d'autres. En effet, cette danse est restée libre parce qu'underground, non formatée malgré ses propres codes ou contraintes, en marge de l'institution, de l'Opéra et du peplum médiatique (= du show business ou du Spectacle).

Le respect qui, soi-disant, ces temps-ci se perd, peut donc être signe d'insolence. Et même de transgression.

François Chaignaud et Cecilia Bengolea mettent la main à la pâte. Ils interprètent personnellement, et plutôt bien, les danses malkovskiennes, aidés dans cette entreprise par un tendre Jésus efflanqué portant les stigmates d'une foulure à la patte, Mickaël Phelippeau, de la magnifique et toujours juste Lenio Kaklea, cautionnés par la gracieuse et maternelle présence et performance de Suzanne Bodak.

Ici, pas de playback, mais du silence ou de la musique, à base surtout de valses romantiques et d'airs qui, au départ, n'étaient pas vraiment conçus pour la danse, de Grieg, Chopin, Brahms, Moussorgsky, Schubert, Beethoven, Dvorak, Wagner, jouées live par le pianiste Alexandre Bodak qui était l'accompagnateur habituel de Malkovsky sur un demi-queue immaculé. L'éclairage coloré d'Erik Houlier donne une ambiance différente à chacun des morceaux. Pour ce qui est de la déco, on pense que ce sont les Puces du Design qui ont livré l'imposante banquette en cuir coussinée de six bourrelets et une lampe sixties qui ressemble à celle du dentiste de Dr No.

A propos de James Bond, les corps des danseurs sont habillés par la lumière d'Erik Houlier ainsi que par des couches de Ripolin rappelant la peinture dorée (dangereuse pour la peau, si je ne m'abuse) recouvrant la mignonne Shirley Eaton dans Goldfinger (1964) - voire la fameuse danseuse de music-hall des années vingt, Hassoutra, qui présente son numéro orientaliste dans Grock, son premier film, 1926. On est dans la nudité quasi intégrale.

Les solos ou soli, pas de deux et danses chorales choisis pour cette manifestation ne cherchent pas à mettre en valeur les interprètes en ne posant que des questions ou des enjeux purement techniques - vous savez ? cette problématique de la virtuosité chère aux balletomanes. La difficulté est, au contraire, de parvenir à un état de relâchement corporel proche du Zen ou, du moins, pour paraphraser Charles Trenet, de la douce transe.

De même, si le travail au sol est assez présent, il ne faut pas s'attendre à être estomaqué par d'extraordinaires saltations - la configuration du lieu ne le permet pas, les imposantes poutres du plafonnier de la Ménagerie de fer freinant toute velléité dans ce domaine. On se contente de sautiller ou de s'élever sur la demi-pointe, comme dans le premier solo (J'ai cueilli la fleur, ô monde, 1925).

Il semblerait que la qualité du geste passe par la fluidité, l'absence de retenue, l'oubli de tout complexe, la suspension de ce qu'il est convenu d'appeler le « sens du ridicule » (surmoi, autocensure, obstacle à toute avancée artistique)… Pas si facile que cela de faire simple, on le sait ou s'en doute.

Malkovsky a toujours lutté contre la sclérose et la raideur musculaire qui, littéralement, caractérise la danse académique. Son vocabulaire est composé de gestes doux, de mouvements de bras balancés, de gais tournoiements en tous sens, de belles diagonales, d'allées et venues tout ce qu'il y a de plus symétriques, de rondes enfantines, d'effets de manche et de postures un peu plus martiales, de pauses ou de poses photographiques et de parfaits équilibres (cf. Au printemps, 1923).

Les danseurs sont aussi des athlètes. Comme ceux d'Olympie. Ou de Delphes.

(1) http://malkovsky.com/

 

[Scène] Danse Hydra [Paris] Kitchissime !

Ménagerie de Verre. Dans le cadre des Inaccoutumés. 31/XI/10.

François Chaignaud et Cecilia Bengolea : Hydra.
Conception : Cecilia Bengolea et François Chaignaud.
Chorégraphies : François Malkovsky.
Transmission : Suzanne Bodak. Lumières : Erik Houllier. Avec Cecilia Bengolea, Suzanne Bodak, François Chaignaud, Lenia Kaklea, Mickaël Phelippeau.
Piano : Alexandre Bodak.

 

Cecila Bengolea et François Chaignaud poursuivent leur exploration ludique de l'histoire de la danse. Après les Sylphides sous vide, ils revisitent les danses libres de Malkovsky, disciple d'Isadora Duncan dans les années 20 et 30. Formidable et convaincant !

Le corps presque nu, torse peint de couleurs vives et paupières irisées, le duo de chorégraphes place le curseur de leur nouvelle création dans une atmosphère très 70. L'ambiance est romantique et lascive, piano blanc, sofa, gros projecteur, mousselines de couleurs. C'est pourtant au début des années folles que François Malkovsky a chorégraphié ces danses libres, dans le sillage d'Isadora Duncan. Les danses libres, marquées par un mouvement ondulatoire qui part du plexus solaire et parcourt toute la colonne vertébrale, émanent d'un courant artistique né au début du XXème siècle, précurseur de la danse moderne. Au sein de l'école de Paris, François Malkosvky a chorégraphié de courtes pièces, en solo ou en duo le plus souvent, destinées à être dansées pieds nus, sans entraves, en tuniques légères. Ces danses, on en convient, ne sont absolument pas viriles, et pourraient paraître terriblement mièvres si elles n'étaient pas habitées par des interprètes très inspirés. Même s'ils en rient parfois, comme dans l'une des danses intitulée "Les trois grâces", le ridicule ne tue pas, bien au contraire !

L'authenticité et la sincérité de la démarche de Cecilia Bengolea et François Chagnaud, qui revivifient des pans oubliés de l'histoire de la danse, est garantie par la présence sur scène de Suzanne Bodak, élève de Malkovsky, qui enseigne ces danses depuis deux ans aux chorégraphes. Sa fraîcheur est séduisante au milieu des corps altérés du XXIème siècle incarnés par les autres interprètes. Autre surprise rafraîchissante, la forte présence de Cecilia Bengolea, qui puise son inspiration entre la nymphe de l'Après-midi d'un faune et les girls des "musicals" des années 20. Regard de braise, épaulements, travail latéral, tout chez elle est intéressant. Mais celui qui est de loin le plus concerné, et dont les gestes exagérés montrent le plus d'intention, est François Chaignaud, absolument irrésistible en éphèbe blond.

Mention spéciale à Alexandre Bodak, le mari de Suzanne, qui accompagne au piano l'ensemble de ce programme avec une merveilleuse écoute. Préludes de Chopin, valses de Brahms, Schubert ou Beethoven ou pièces plus "ethniques" de Dvorak, Moussorgsky ou Grieg. Il réserve même au final avec l'ensemble des danseurs une transcription pour piano des plus étonnantes de La chevauchée des Walkyries de Wagner. Il ne reste plus qu'à programmer Hydra l'été prochain sur une vaste pelouse…

Delphine Goater (06/12/2010)

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